lundi 27 septembre 2010

San Francisco - Californie / Pacific Heights Motel (jour 2)

J’ai discuté ce matin avec le patron de mon motel qui est français. Je lui disais qu’il avait bien de la chance de vivre à San Francisco. Il m’a dit que la ville avait beaucoup changé ces vingt dernières années. Elle ressemble de plus en plus à un décor, le prix des logements est devenu exorbitant et les gens qui vivent dans San Francisco sont des gens riches et très « frime ». Après cette description, je suis donc parti arpenter les rues et il n’a pas totalement tort. San Francisco a perdu son âme. Le port et tous les entrepôts ont été remplacés par des boutiques de fringues ou de souvenirs. Les quartiers moins touristiques sont habités par des gens que l’on sent riches ou très riches. Alors la ville est très agréable (c’est, je trouve, la ville américaine la plus européenne). Disons qu’on se sent comme à Saint-Germain-des-Prés ou à Montmartre. Mais l’avant-garde artistique n’est plus à Frisco. Il y a probablement une arrière garde comme nous avons à Paris nos Beigbeder. 

Ce qu’on voit beaucoup dans les rues de San Francisco, ce sont les SDF. D’après ce que j’ai pu lire, cela viendrait de la politique menée par Reagan dans les années 80 et la fermeture des centres qui s’occupaient notamment des Vétérans du Vietnam. J’ai d’ailleurs passé un long moment ce matin avec l’un d'eux, Joe, qui faisait la manche dans la rue avec une pancarte « Homeless Veteran ».  Il avait fait le Vietnam en 68-69 et faisait parti des Tunnel Rats. Pour ceux qui ne connaissent pas : lors de la guerre du Vietnam, les Vietcongs avaient creusé un énorme réseau de tunnels qui comportaient même des hôpitaux, des armureries, des casernes, etc. Lorsqu’une patrouille américaine trouvait l'une de ces entrées, on faisait appel  à un Tunnel Rat. Un type descendait seul pour explorer et « nettoyer » le tunnel, simplement équipé d’une lampe de poche, d’un révolver et d’explosifs. Ceux qui ont fait parti de ces unités sont restés très marqués (le stress, la claustrophobie, l’horreur des combats dans ces zones confinées). Il m’expliquait que lorsqu’il descendait dans les tunnels, son cœur s’emballait et qu’il n’entendait plus que ça. Quand je lui ai parlé de courage, il m’a juste dit : « j’avais pas le choix, il fallait faire le job ». Il avait été blessé à l’aine par un éclat d’une de ses grenades. Lorsque nous avons parlé du retour, il m’a dit que ça avait été très dur. San Francisco était à la pointe de la lutte anti guerre et les gens détestaient les vétérans. Nous avons aussi parlé de la France et de Paris. Ce fut une belle rencontre et nous avons passé un bon moment ensemble. 
Lors de ma traversée des Etats-Unis, j’ai vu beaucoup de pancartes « Veteran » parmi les SDF (certains sont d’ailleurs en fauteuil roulant). Ce sont des gens qui ont aujourd’hui la soixantaine et qui sont toujours laissés pour compte. Je ne comprends pas comment on peut mettre des « Support Our Troops » un peu partout et laisser des vétérans de 60 ans sans aucune ressource et à la rue. Peut-être que l’Amérique a finalement toujours du mal à avaler sa défaite et qu’on préfère soutenir ceux qui gagnent plutôt que ceux qui ont perdu.

Sinon, dans un tout autre domaine, je me suis retrouvé dans le Folsom Street Fair, dans la rue du même nom, qui est le festival annuel des fans de cuir et de SM. C’était très spécial. Des types se baladaient entièrement nus ou sobrement vêtus d’un collier de cuir ou d'une casquette, d’autres passaient tenus en laisse. Le pantalon de cowboy, avec fesses apparentes, avait également un gros succès. J’ai trouvé l'idée de récolter de l'argent pour la lutte contre le sida plutôt originale : pour 5 dollars vous aviez le droit de vous faire claquer les fesses (à l’air) par un géant à moustache armé d’une planchette en bois…

Ce que San Francisco n’a pas perdu par contre, c’est sa tolérance. 

7 commentaires:

  1. ça y est, c'est fini ??? le récit quotidien de ton voyage va me manquer... on rentre à Paris

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  2. Bravo et merci pour ce bel article! J'espère que Joe aura sa chanson... Il a raison, le courage quand on a le choix entre le risque de mourir et...la mort assurée, c'est peut-être pas le bon mot...Pauvres soldats!
    Et merci pour la belle paire de fesses en photo:-)
    Des grosses bises.

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  3. Te voila au terme de ton voyage. Que de chemin parcouru, de rencontres, de paysages et d'ambiances différentes...
    C'est vrai que tes récits vont nous manquer. C'est toujours bien écrit, vivant avec des anecdotes et des références historiques et littéraires. De quoi faire un beau bouquin....
    Bonne fin de séjour à San Francisco!!!
    Contrairement à Evelyne, les fesses dans le cuir moi ça ne fait pas trop rever...

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  4. Tu fais la grève du blog? Bon, je suppose que tu es en train de bosser. Bon boulot cher prof!

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  5. soutenir ceux qui gagnent plutôt que ceux qui ont perdu : si on peut dire que ceux qui sont actuellement en irak et en afghanistan gagnent. Springstenne a repris récemment "bring them home" (tout est dans le titre), et fait souvent référence aux vétérans (born in the usa, brothers under the bridge). je te ferai suivre les paroles.
    pour la planche en bois, il y avait des clous dessus ?
    bon retour chez nous, environ 16-17 degrés en ce moment à paris.
    éric

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  6. Encore cet univers intimiste que Boulbar accepte de partager. J'adore!
    Ahmed de Dakar

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  7. Joe a sa chanson, un bijou .... bel album !

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